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Bouddhisme et méditation

Le bouddhisme est une voie vers Nibbana, la libération finale. La méditation bouddhiste c'est avant tout voir et expérimenter par soi même. Le voyageur éternel en quête d'absolu ne peut donc qu'agir. Dans cet espace je partagerai volontiers avec les passants et amis du Dhamma mes expériences de cette pratique.

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Cancer / Serpent

samedi, janvier 13, 2007

Meditation bouddhique et psychanalyse selon Jean-Pierre Schnetzler

Il existe une analogie réelle entre la démarche du thérapeute qui tente de soulager un malade mental et celle du Bouddha qui a montré à l'homme souffrant comment se libérer de sa condition douloureuse, aliénée par le désir, la haine, la répulsion et l'ignorance.




La psychanalyse peut-elle apporter quelques données de valeur au méditant bouddhique et, réciproquement, le Bouddhisme ne pourrait-il pas fournir à la science analytique une dimension pratique supplémentaire et un cadre spirituel qui lui fait très fâcheusement défaut ?


Une de nos malades, alors qu'elle avait 6 ou 7 ans, avait été séduite par son frère aîné qui, durant de nombreuses années, lui avait imposé des rapports sexuels. Arrivée à l'âge adulte, elle avait gardé de cette expérience prolongée une effroyable culpabilité qui, à deux reprises, l'avait conduite en hôpital psychiatrique pour des bouffées délirantes où elle se croyait damnée, en enfer. Soumise par la suite à une psychothérapie analytique, au cours d'une séance elle exprima une vive angoisse mêlée de dégoût en regardant sa main droite qui avait masturbé son frère.

"Cette main, je voudrais la couper".
> "C'est cette main qui a masturbé votre frère ?"
"Oui".
> "C'est cette main là qui est aujourd'hui sur le divan, qui a masturbé votre frère, il y a dix ans ?"

Interloquée, elle répondit: "Non, ce n'est pas la même main, mais c'est moi.
> "C'est le moi qui est là aujourd'hui sur le divan qui a fait cela ?"

Très surprise, elle répondit: "Non évidemment".
> "Alors, lui dis-je, qui est coupable ?"

Elle éclata en sanglots et comprit pour la première fois qu'elle s'était identifiée uniquement à cet aspect d'enfant totalement et définitivement coupable.

C'est sans doute une confirmation très importante à la doctrine de l'anattâ (*1) que nous apporte la psychanalyse sur le plan empirique qui est le sien. Il faut toutefois bien voir que les psychanalystes ne dépassent pas ce plan.

Ainsi, le rôle de la psychanalyse apparaît être de permettre à la conscience d'objectiver le Moi et de déclarer "je ne suis pas ceci, ceci n'est pas à moi", mais, hélas, pour le laisser aussitôt s'engager ailleurs et affirmer "mais ceci sera maintenant mon ego". Sans doute ce nouvel ego est-il plus complet, plus adapté, mais en un sens toujours aliénant, simplement le sujet est aliéné naturellement, comme tout le monde, comme vous et moi. C'est bien sûr qu'il manque à la psychanalyse à la fois la doctrine et la méthode, la doctrine de l'anattâ (*1), comme vérité à réaliser, les méthodes de méditation comme moyen d'y parvenir.

Que nous dit la doctrine de l'anattâ (*1) ?

Qu'il n'y a, ni dans les phénomènes mentaux et corporels de l'existence, ni en dehors d'eux, quoi que ce soit qui, au sens ultime, pourrait être considéré comme une entité individuelle, réelle, permanente, existant par elle-même. Seuls des phénomènes s'écoulent.

"La souffrance existe, mais nul qui souffre
l'action existe quoiqu'il n'y ait point d'acteur
le Nirvâna (*2) est, mais nul n'y entre,
quoiqu'il y ait une voie, nul n'y chemine."
nous chante le Visuddhimagga (*3).


Cela signifie que, pour le bouddhiste, non seulement le Moi dont nous parlions est illusoire, mais aussi le Je. Au sens ultime dire "je me lève" relève de l'ignorance. La vue juste est de contempler le déroulement de phénomènes musculaires et psychiques. Et si nous apprenons à utiliser la vision profonde vipassana (*4), cela se voit, avec la même évidence que celle qui vous montre en ce moment des mots sur une page blanche.

Cf. La méditation bouddhique de Jean-Pierre Schnetzler Edition Mystiiques et religions, Dervy-livres, pages 111 et 117-119.


Lexique des termes Pali:
(*1) anattâ: impersonnel, dépourvu d'essence individuelle
(*2) Nirvâna: ou Nibbâna: extinction du désir, de la répulsion et de l'ignorance
(*3) Visuddhimagga: Voie de la purification.
(*4) Vipassana: vision pénétrante

A propos de Jean-Pierre Schnetzler

Le Docteur Jean-Pierre Schnetzler est l'un des pionniers de l'introduction du bouddhisme en France. Initialement disciple de Walpola Rahula (école Theravada) puis de Taisen Deshimaru (école Zen Soto) et enfin de Kalou Rinpoche (école Kagyupa du Vajrayana), il s'est consacré ces vingt dernières années à la création du centre tibétain de Montchardon. Médecin psychiatre et psychanalyste, il a par ailleurs toujours été attentif aux liens existant entre approches occidentales et bouddhisme, notamment à travers le dialogue inter religieux.

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